Le régime des camps en Afrique du Nord
On connaît déjà le régime plus particulier, que la sollicitude des ministres de l'Intérieur, Marquet, Peyroutou, Pucheu, instaura dans les camps d'étrangers en France. On ignore généralement ce qu'il fut en Afrique du Nord, ou les instruction de Vichy étaient appliquées, avec un zèle qui devançait le plus souvent, à plusieurs milliers d'anciens soldats. Il y avait douze camps au Maroc, il y en avait quarante en Algérie.…On y travaillait dix heures par jour; dans plusieurs camps les dimanches et jours de fêtes également…Nourriture mauvaise et insuffisante, abris de fortune cagnas creusées en terre et recouvertes de nattes d'alfa; lorsqu'il pleuvait, les hommes couraient se réfugier dehors ou ils demeuraient debout plutôt que de nager dans l'eau froide. Aucune hygiène, de la vermine, un litre d'eau par jour et par homme. A Im-Fout au début 50% de malades…
A Bou-Arfa, il leur était imposé une tâche de deux à quatre fois supérieure à celle que fournissaient les manœuvres arabes qui désertaient les chantiers à leur première ou seconde paye; le jour sous un soleil meurtrier, la nuit dans les tentes ou les baraquements par une température descendant parfois à -10°. C'est dans ces conditions que fut construit le premier tronçon du Transsaharien, du Méditérannée-Niger, allant de Bou-Arfa à Kenadza.… Contrairement à ce qui serrait logique le fait d'avoir servi la France au moment du danger a été interprété à l'égard des anciens volontaires étrangers comme un préjugédéfavorable… Les camps de disciplines Car il y a des camps de discipline, compléments indispensable à une saine administration de ces malfaiteurs publics qu'étaient devenus les volontaires étrangers…Dirigés par des tortionnaires expérimentés, officiers et sous-officiers, avaient la manière, celle de dresser les internés suspects de modération dans leur sentiments maréchalistes ; l'attache au poteau, tête nue sous le soleil et pendant toute la journée, la bastonnade, la cage au lion où le patient est enfermé dans un cube de 1,80 m. de côté accessible par une trappe, le "supplice du tombeau "où le disciplinaire est couché dans une fosse de 1,80 x 0,60 m. à même la terre , il doit y demeurer au moins huit jours…
=======================================
Extrait du journal de Albert Saul,
engagé volontaire
envoyé par sa fille Angèle Saul
Mon père Albert Saul, né à Smyrne, en Turquie, le 5 juin 1910 de nationalité turque, Judéo-espagnol d'origine. Décédé le 9 septembre 1979. Après la "Révolution Jeunes Turques", l'invasion de Smyrne par l'armée grecque en 1919, Atatürque pris le pouvoir. Les Juifs, Grecs et Arméniens minoritaires devinrent égaux devant le service militaire. Ils devaient subir, pendant sept ans des travaux de force dans les montagnes. De nombreux juifs y échappèrent en émigrant. Ma famille choisi la France. Ils arrivèrent en 1922 à Paris. Ils faisaient le commerce de tapis d'orient. Dès le début de la 2 ème Guerre Mondiale, de nombreuses associations juives encouragèrent les émigrés à servir la France. Les étrangers ne pouvaient s'engager que pour la durée de la guerre. La plus part d'entre eux se retrouvèrent dans les régiments de la Légion Étrangère sans contrat, ce qui les différenciaient des autres légionnaires.
Le 7 février 1940; mon père s'engageât pour L'armée Française et se retrouva d'office "Engagé Volontaire pour la durée de la guerre", au Maroc, affecté au 2 éme Régiment Étranger de Cavalerie matricule 1234. L'armée faisait colonne et assurait la sécurité des confins algéro-marocains. En Afrique du Nord, 1500 juifs ( judéo-espagnol, turcs ou apatrides ) ont rejoint dans les camps d'internement les résistants Communistes ( juifs ou non ) , Socialistes, Antifasciste, Républicains Espagnols de 1939 et Juifs Allemands, Tchèques ou ex-Autrichiens. A la défaite de Juin 1940, les Engagés Volontaires furent démobilisés. Ce fut le cas de mon père, le 22 septembre 1940. Pour Vichy, ils avaient perdu leur titre de combattants français. Ils devenaient ennemis de l'Allemagne, donc du gouvernement de Vichy. Mon père fut alors arrêté et interné " par mesure administrative " au camp de Bou-Arfa, au Maroc et versé au 4 ème groupe de Travailleurs Étrangers, jusqu'au 17 mars 1943. Un certificat de bonne conduite était décerné à tous ces soldats, pour leur bons services !
Le 22 mars 1941, le Maréchal Pétain autorisa la création d'un chemin de fer, le Transaharien Méditéranée-Niger. cette tache fut confiée aux nombreux prisonniers et internés. Ils n'étaient pas préparés à ses travaux pénibles, cassage de cailloux, entre autre. Une circulaire du Ministre de l'intérieur Pucheu prévoyait que les étrangers ayant servi la France, seraient libéré, à condition de présenter un contrat de travail, qui était très difficile d'avoir dans les camps, ainsi qu'une somme de 10.000Frs.
Mon père a tenu un journal de janvier 1941 à février 1942. En voici quelques extraits ou il explique les souffrances quotidienne dans les camps, Bou Arfa, Méridja, Berguent, les difficultés pour se procurer les papiers nécessaires pour retourner en métropole.
Il raconte: Le 2 janvier 1941: on nous a supprimé les permissions la veille. Comme nous avons refusé de travailler, ils nous ont emmené avec deux camions, dans un petit bled où ils ont fait un carré de 10mx10m et ont a mis les 28 prisonniers dont moi à l'intérieur, gardés par 8 gardes armés. Le premier qui dépassait le trait était abattu, sans sommation… Il y a comme nous, 53 prisonniers espagnols. Nous avons 450 g de pain par jour, 80 g de légumes et 150 g de viande ( avec os ), 350 g de dattes seiches…
24 janvier : Un prisonnier, Behar, a tenté de s'évader. Les Arabes nous disent qu'il a été rattrapé… 1 er Février : Décidément on reste ici bien loin du monde. le soir un ex-Commandant espagnol nous a fait une conférence sur l' anatomie : Prof. Gonzales…
3 février : Assisté à une leçon de français, car nous avons une école. On a été sur la plage. Le soir le prof. Santiago nous a fait une conférence sur l' archéologie… 7 février :Arrivée a 10 km de Bou Arfa. Nous apprenons que les libérations commencent…
10 février : Cassé des cailloux toute la journée. 27 prisonnier sont partis d'ici; Fin mars tout le monde devrait partir… 2 mars : Transféré au 5 ème groupe avec des juifs allemands. Je ne m' y plais pas du tout. Le travail n' est pas le même; Il faut faire du ballast…
6 avril : On nous fait creuser des trous pour faire des habitations car on va nous prendre nos marabouts. je n'en peut plus de cette vie, on travail trop et on se fait engueuler. J' ai la fièvre , mal aux dents…
3 juin : J'ai la fièvre, je crois que c' est une crise de paludisme. malgré le sirocco, on nous fait travailler toute la journée…
9 juin :Il est arrivée une note disant qu'on doit faire 1/2 m3 de pierre cassés par jour, pour ne pas aller en prison…
14 juillet : On ne devait pas travailler, mais on nous a obligé… 22 septembre : Rosch Hachana : personne n' a voulu travailler… 30 septembre : Yom Kippour 1er octobre : pas mangé…
5 octobre : Tous les Juifs doivent travailler pour remplacer le mercredi… 23 novembre : Les catholiques vont partir pour Colomb-Béchard et nous les juifs, pour Berguent…
25 novembre: Ils sont partis et nous on continue a casser des cailloux…
Janvier 1942 : Froid et neige qui tombe. Travaillé dans le froid toute la journée. toutes les pierres sont cassées…
4 janvier :Touché 1 kg de figues du Comité des Engagés Volontaires… 27 janvier : Camp de Berguent. Le travail est assez dur, on répare une route…
4 février : De bon échos sur notre libération, mais je ne me fais plus d'illusion. Une lettre écrite à Sarah, m'est revenue…
17 mars 1943 : Libération des camps par les Anglo-Américains. mon père est resté à Casablanca, ne pouvant rentrer en France. Il a ouvert un petit commerce, en attendant…
18 mars : Sa jeune femme Sarah, âgée de 22 ans est arrêtée, conduite à Drancy, et déportée à Lublin Maîdaneck en Pologne le 25 mars 1943.…
Casablanca, 28 mai 1947 : à 6 heures du matin, embarquement sur le Montcalm, en direction de la France. l'image de Sarah ne me quitte pas. j'ai une obsession, j'en souffre toujours…
L'appartement de mon père a été repris par le propriétaire après la déportation de Sarah. Mon père n'a rien retrouvé de leurs affaire.
Fait à Paris le 2 mai 1997
Pour que cette histoire personnelle,
vienne rejoindre la Grande Histoire, afin que l'on oublie pas.