Conclusion de Philippe JOUTARD (historien français, professeur émérite d'histoire moderne de l'université de Provence Aix-Marseille) lors de la rencontre du 15 novembre 2017
Arrivés à l’armée, ils se trouvent confrontés à une culture radicalement opposée et hostile de l’encadrement, en particulier les officiers. Ces derniers sont, pour la très grande majorité, de droite affirmée et souvent influencés par l’Action française dont on sait la violence opposition « aux juifs » qui sont en plus des «métèques»… Quelques-uns des témoignages oraux recueillis y font d’ailleurs allusion. Et pourtant, tout se passe bien : les incidents sont rares. En tout cas, l’efficacité de ces régiments est forte comme en témoignent la capacité de résistance, le nombre de morts ou de prisonniers, sans parler des citations, à plus forte raison à titre comparatif. Leur action militaire mériterait une étude spécifique, aujourd’hui partiellement engagée. Par la suite, les survivants s’engagent massivement dans la Résistance, même à l’intérieur des camps de prisonniers. Ce devenir pourrait aussi faire l’objet de recherches particulières. La guerre terminée, ces anciens combattants conservent une très forte identité qu’ils savent transmettre à leurs enfants, ce dont témoigne la création de leur association reprise en main par la génération suivante avec tout un travail de mémoire qui a pris différentes formes et vaudrait, lui aussi, une étude spécifique. C’est dire que le passage au Mémorial de la Shoah peut-être précisément l’occasion de sensibiliser le monde universitaire sur ces différents sujets, en montrant la multiplicité des sources écrites et orales. A ce propos, il ne serait pas inutile de faire appel aux témoignages des enfants ou même des petits-enfants, ce qui peut être l’occasion de faire encore apparaître et transmettre des archives privées avant leur disparition définitive. Ce serait un passage heureux de la mémoire à l’histoire, en rapport avec ce que souhaitaient les dirigeants en transmettant le devenir de l’association au Mémorial. Dans cette optique, les deux prochaines années 2018-2020 sont importantes. Elles doivent permettre de sensibiliser les petits-enfants à cette grande aventure, s’ils ne le sont pas déjà. Au-delà, il serait utile de faire connaître cette part de l’histoire de France à un public plus vaste, en s’appuyant sur un ou deux lycées de la région Île-de-France, avec l’aide du chef d’établissement et de quelques professeurs. Pourquoi ne pas y associer de jeunes étudiants en histoire effectuant leur premier travail de recherche. Delphine Richard, qui termine un doctorat en rapport avec le sujet, pourrait éventuellement les guider. L’objectif final est de prévoir une journée d’études accolée à la cérémonie du souvenir pour le 80e anniversaire qui revêtira forcément une certaine solennité.